Portée par Mme la sénatrice Françoise Férat (Marne – Union Centriste)
La sénatrice de la Marne Mme Françoise Férat interroge le ministre sur la loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, qui prévoit que les tickets de caisse ne soient plus automatiquement imprimés par le commerçant à partir du 1er janvier 2023. Sa question reprend l’étude du collectif Green IT selon lequel un ticket dématérialisé causerait l’émission de 2 g de CO2 de plus qu’un ticket papier (dont l’impression nécessite en revanche plus d’eau et l’utilisation de certains produits toxiques). Elle interroge ensuite le Gouvernement sur les risques que ces émissions soient amplifiées par la réutilisation du canal créé pour l’envoi du ticket, pour de la prospection commerciale notamment, et sur les mesures de sobriété numérique qui pourraient être prises pour réduire les émissions liées.
Une dématérialisation excessive peut-elle avoir des conséquences physiques ?
Le numérique représente déjà 3,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et ses impacts croissent de 6 % par an selon les travaux du Shift Project, avec un poids important de l’utilisation des réseaux et des vidéos. Compte tenu du nombre de tickets de caisse, il faut effectivement être prudent sur l’impact d’une dématérialisation aussi massive. Or cette problématique semble complètement absente de la réflexion du Gouvernement.
Interrogé sur la sobriété énergétique lors d’une audition devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale1, le ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications Jean-Noël Barraut a fait mention des nombreux efforts du secteur pour réduire ses émissions, tels que le déploiement de la fibre, moins énergivore que le cuivre, le reconditionnement des terminaux ou encore la réduction de la consommation des datacenters. La loi sur la régulation environnementale du numérique2 va également dans le bon sens, par exemple en exigeant de justifier du choix de ne pas recourir à une solution de partage de site ou de pylône3, ce qui permet ainsi de limiter la construction de nouvelles antennes en poussant les opérateurs à mutualiser les équipements existants.
Ces mesures, certes bienvenues, ne font aucune mention de la sobriété des usages, thème d’ailleurs toujours absent des discours politiques. Pourtant, face à une augmentation des flux de données de 25 % par an, ces mesures sont loin d’être suffisantes pour endiguer l’impact du numérique.
La sobriété numérique, un effort indissociable à la dématérialisation
Comme illustré dans l’exemple des tickets de caisse, la dématérialisation à des fins écologiques doit s’accompagner de mesures de sobriété. Selon The Shift Project dans son rapport Déployer la sobriété numérique, le bilan énergétique net d’une solution numérique n’est souvent positif que si elle comporte des objectifs d’économie d’énergie en phase d’utilisation. À défaut de contraintes de sobriété, les bénéfices sont annulés par des pratiques nuisibles à la décarbonation du numérique, telles « qu’une jolie mise en page, de la publicité excessivement abondante ou des bons de réductions ».
En conclusion, les mesures du Gouvernement favorisent la décarbonation du numérique mais ne suffisent à le rendre sobre. Les bénéfices de la dématérialisation dépendent des contraintes qui vont limiter les usages et éviter les effets rebond. Comme préconisé dans le Plan de transformation de l’économie française (PTEF) du Shift Project, un véritable débat démocratique doit avoir lieu dès les prémices d’un nouveau projet numérique afin de décider ensemble des usages. En attendant, à son échelle individuelle, il est toujours possible de refuser les tickets de caisse papier ou numériques.
1. Assemblée nationale. Compte-rendu. Commission des affaires économiques. 27 septembre 2022 – www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion-eco/l16cion-eco2122020_compte-rendu
2. Legifrance. LOI n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 – www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000044327272/2023-01-21/
3. Legifrance. Décret n° 2023-4 du 4 janvier 2023 – www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046912822
Liens utiles :
➤ The Shift Project – Déployer la sobriété numérique – octobre 2020
➤ The Shift Project – Impact environnemental du numérique : tendances à 5 ans et gouvernance de la 5G – mars 2021